mercredi 19 octobre 2011

Tristane Banon à la Matinale de Canal +


Tristane Banon est l'invitée de La Matinale 
du Mercredi 19 Octobre 2011, sur Canal +



« Ca fait huit ans et demi que j'ai une vie plus ou moins en suspend à cause de cet homme.
Ca fait cinq mois et demi que je n'ai plus de vie du tout. »
- Tristane Banon -




Jeudi dernier le parquet de paris a classé votre plainte pour tentative de viol déposée contre DSK. Vous aviez prévenu que vous alliez prendre une décision a propos des poursuites judiciaires au civil, vous avez pris votre décision et vous êtes venue nous en faire part. Quelle est elle ?

J'ai toujours dit que je me constituerai partie civile tant que mon statut de victime ne serait pas reconnu. Le parquet a fait quelque chose de rarissime. D'ordinaire, quand il reclasse en agression sexuelle, il dit : "s'il s'était passé qqch, ce serait une agression sexuelle". Là, très clairement, dans la lettre que m'a envoyé le parquet, il dit qu'il y a eu agression sexuelle. Donc mon statut de victime, il est reconnu. A minima, parce que moi je reste persuadée, convaincue et je continue d'affirmer que c'était une tentative de viol. Mais on ne peut plus dire que j'étais une affabulatrice et j'entends encore les avocats de monsieur Dominique Strauss-Kahn et Dominique Strauss-Kahn et tous ses partisants dire que c'étaient des faits imaginaires et que tout ça n'avait jamais eu lieu. Je constate que le parquet en a décidé autrement. 


Alors aujourd'hui vous êtes satisfaite, on va y revenir. Juste un mot, les avocats de Dominique Strauss-Kahn disent également qu'il a reconnu vous avoir embrassé et c'est ça qui a qualifié l'agression sexuelle. 

Mais que les avocats de Dominique Strauss-Kahn continuent de faire une campagne de marketing ou de communication, c'est leur problème. Il faut qu'ils arrêtent. C'est exactement comme dans ce qu'il se passe dans l'affaire de proxénétisme à Lille, il faut qu'ils arrêtent de dire ce qu'ils veulent. Monsieur Dominique Strauss-Kahn n'a pas demandé a être entendu en tant que témoin, ni à Lille ni dans mon affaire, il a été convoqué en tant que mis en cause. En tout cas dans mon affaire. Et convoqué en tant que témoin dans l'affaire de Lille. Et dans cette affaire-là, le parquet ne dit pas qu'il a tenté de m'embrasser ; ce qui est parfaitement autorisé ; et qu'il s'est fait repoussé gentiment, il dit qu'il y a une agresion sexuelle. Je le lis "il apparaît en revanche que, s'agissant des faits reconnus par leur auteur, dont la connotation sexuelle n'est pas discutable." Ce ne sont pas des schtroumpfs au parquet, ce ne sont pas non plus des bisounours. Tenter d'embrasser quelqu'un et se faire repousser gentiment, ça n'est pas une agression sexuelle. 


Tristane, vous dites : "je suis reconnue comme victime ça me va". Qu'est ce que vous allez faire alors ? Quelle est votre décision ? Dans les faits, vous faites quoi ?

Je ne vais pas me constituer partie civile. En revanche, je vais tout faire pour que la loi qui a été déposée, enfin qui a été proposée par Marie-Goerges Buffet au lendemain de cette décision ; et qui veut allonger la prescription de l'agression sexuelle à la même durée que le viol et la tentative de viol. C'est à dire à 10 ans ; ce qui semble évident. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui c'est trois ans. C'est pas normal puisque la différence entre l'agression sexuelle et la tentative de viol, ce qui prouve bien quand même que c'est un tout petit peu plus grave que tenter d'embrasser quelqu'un ; la différence elle est improuvable. Elle tient à ce que vous pouvez prouver ce que la personne qui vous a agressé à dans la tête, est ce qu'il avait l'intention d'aller jusqu'au bout de son viol ou est ce qu'un élément extérieur l'en a perturbé ? Et au commencement de l'exécution, autrement dit, excusez moi d'être vulgaire, mais est-ce qu'il bandait ? Comment vous prouvez ça ? Huit ans et demi après ou huit heures et demi après ? C'est improuvable. Et le traumatisme est le même.


Ce que vous etes en train de nous dire c'est que vous quittez le combat personnel : "je ne poursuis pas Dominique Strauss-Kahn plus avant, par contre je rentre dans un combat plus large, un combat féministe" ?

Exactement parce que j'ai toujours dit que je ne faisais ça ni pour l'argent, ni pour la gloire. Continuer, ce serait pour l'un ou pour l'autre ou pour les deux. Je ne faisais ça que pour avoir mon statut de victime reconnu. Je l'ai. Je ne suis officiellement pas une menteuse d'après le parquet. Alors on peut toujours penser que le parquet est une bande de cons, à titre personnel j'accorde beaucoup d'importance à ce qu'ils disent. 


Vous aviez dit que vous poursuiviez Dominique Strauss-Kahn au civil vous avez changé d'avis ?

Non. D'abord, poursuivre au civil, en France, ça n'existe pas. On se constitue partie civile. Ce n'est pas la même chose. Aller au civil aux Etats-Unis, c'est demander des dommages et intérets. 


Mais vous avez changé d'avis ?

Non, j'ai toujours dit que je me constituerai partie civile si la réponse ne m'apportait pas mon statut de victime. Personne ne pouvait imaginer qu'il y aurait une réponse pareille. C'est rarissime que le parquet donne une réponse pareille. Maintenant, que Dominique Strauss-Kahn, que ses avocats, que madame Anne Saint-Clair et que tout le staff Jean-Marie... Je sais même pas quel est son prénom monsieur "Leguen"... 
Le Guen. Le Guen, mais ça m'intéresse pas... Que tous se réjouissent que Dominique Strauss-Kahn soit un agresseur sexuel, très bien. Très bien. Pour une fois, on est tous d'accord. Moi aussi je m'en réjouie. 


Qu'est ce que vous attendez Tristane de Dominique Strauss-Kahn aujourd'hui ? 

J'aurais attendu qu'il s'excuse mais je crois que c'est trop demander à ce monsieur. 


Vous ne l'attendez plus ?

Non je crois qu'il ne le fera pas. Je serais peut être surprise, hein ? Je trouve que vu qu'on sait tous maintenant qu'il a les moyens de le faire et qu'il n'est sauvé que par la prescription, j'aurais trouvé normal que la peine allant jusqu'à 75 000 euros d'amende pour agression sexuelle ; il fasse un geste et donne à des associations l'équivalent des 75000 euros. Ca ne m'aurait pas choqué non plus. Maintenant, je n'ai pas à dire à monsieur Strauss-Kahn ce qu'il doit faire. Je lui conseille surtout de faire profil-bas et de se dire qu'à partir de maintenant, il est officilement un agresseur sexuel. Et plus, en tout cas pour beaucoup de gens, dont moi. 


Devant le parquet vous aviez demandé l'« annonymisation », c'est à dire la permission que certaines femmes puissent venir témoigner sans que leur identité soit dévoilée. Elles portaient les mêmes accusations que vous, qu'est ce qu'elles vont penser maintenant ?

Voire certaines même plus grave.


Vous les laissez tomber ? 

Non, justement, et c'est pour ça que je veux continuer le combat en élargissant le propos. J'ai fait ce que je pouvais à mon niveau. Je ne comprends pas pourquoi le parquet n'a pas répondu à la demande d'annonymisation de témoin. Je ne comprends pas, je ne me l'explique pas. Je ne comprends pas non plus pourquoi ils n'ont pas auditionné Piroska Nagy dont la lettre qui avait été rendu publique dans l'Express était accablante. Je ne comprends pas. Mais je ne peux pas faire le travail de la justice à leur place. Moi, dans mon combat, il y avait obtenir ce statut de victime, je l'ai obtenu. Maintenant, il faut élargir pour toutes les victimes de l'avenir. Parce que très régulièrement, je reçois tous les jours des courriers de femmes, qui me disent que leur tentative de viol a été reconnue, classée en agression sexuelle. Faut que ça change ! 


Tristane Banon, certaines d'entre elles vont vous appeler en sortant de l'émission et vont vous dire "tout ça pour ca" ? Qu'est ce que vous leur répondez ?

C'est que "ça" d'être agresseur sexuel ? C'est que "ça" ? Savoir que Dominique Strauss-Kahn, qui a failli être un président de la république française, n'est qu'un agresseur sexuel et qu'on a réussi à le prouver au bout de cinq mois et demi de combat, c'est que "ça" ? A ce moment là, je suis désolée, je ne me reconnais pas dans ce pays. 


Est-ce que du point de vu humain, c'est une victoire pour vous ? 

Oui. Oui. On m'a traitée d'affabulatrice, on m'a dit que c'était des faits imaginaires. Le parquet dit le contraire. Je suis désolée, moi, ça fait partie du travail des communiquants de Dominique Strauss-Kahn d'essayer de faire croire qu'il ne s'est rien passé. J'espère que les gens continueront de tenter d'embrasser des femmes et se feront parfois ; désolée pour eux ; repousser gentiment. Le parquet n'a pas pensé que "ça" c'était une agression sexuelle. Libération a sortie une interview ; enfin un extrait d'interview ; d'une source proche de l'enquête qui dit : « "Monsieur Strauss-Kahn dit qu'il n'a que tenté de l'embrasser, enfin ça c'est ce qu'il dit" dit une source proche de l'enquête qui n'en pense pas moins. »


J'ai deux dernières questions. Les avocats de Nafissatou Diallo souhaitent se saisir de cette procédure pour nourrir leur dossier au civil, est-ce que vous les encouragez ?

J'espère qu'ils le feront. Contrairement à moi, Nafissatou Diallo a l'espoir de gagner peut être au civil des dommages et intérêts qu'elle mérite. J'espère que ça pourra l'aider à en avoir, parce que je trouve que ce qui lui est arrivé est honteux et inadmissible.


Vous avez des contacts avec Nafissatou Diallo ? Vous en avez eu ?

Pas personnellement, mais mon avocat est en contact avec l'avocat de Nafissatou Diallo et il l'a rencontré ...


Au vu de cette décision, on a envie de vous demander si c'est la dernière fois que vous prenez la parole sur ce sujet ?

Sûrement pas sur ce sujet, parce que je vous dit que maintenant je voudrais absolument... Je trouve que la loi qui a été proposée par Marie-Georges Buffet ; dont je salue vraiment le courage parce qu'il fallait oser la proposer dès le lendemain de cette décision ; je trouve que ça ne doit pas rester une affaire de clan politique.


Justement, est-ce que vous allez en faire une affaire politique ? Est-ce que vous allez vous engager ? Une campagne présidentielle, ça peut être entendu...

Je ne sais pas. Je ne sais pas. Mais je trouve qu'il est très important dans ce pays que cette loi, elle soit prise à l'unanimité de la gauche et de la droite. Ca ne doit pas rester une affaire de la gauche. Moi, je ne suis pas dans un parti. Je ne suis pas téléguidée par l'UMP, par la gauche, par la droite... J'm'en fiche. Je sais qu'on est au pays des droits de l'homme et de la femme. Et je voudrais que tous les  politiques, quand il va falloir voter cette loi, ils la votent en pensant à ça. Et que ce soit voté à l'unanimité, ce serait une très belle victoire pour les femmes.


Vous êtes obligé de passer d'un combat à l'autre pour continuer, j'imagine ?

Y a pas le choix, une fois qu'on a découvert toutes les anomalies sur le traitement des violences faites aux femmes...


Ma question, elle est très personnelle en fait, c'est : comment vous construisez votre vie maintenant ? Comment vous l'envisagez ? 

Je n'arrive pas à me projeter. Ca fait huit ans et demi que j'ai une vie plus ou moins en suspend à cause de cet homme. Ca fait cinq mois et demi que je n'ai plus de vie du tout. Et là, on m'apporte quelque chose que j'attendais depuis huit ans et demi. Maintenant, j'ai découvert grâce à ça qu'il y a avait un gros problème. Je ne peux pas faire comme si je n'avais rien vu et mettre des oeillères et me taire. Je suis désolée pour ceux que ça va déranger.



1 commentaire:

  1. une belle intervention de Tristane , un caractère bien trempé, bien determinée et elle trouve le moyen de placer quelques mots humoristiques bisounours et schtroumpfs

    son combat va continuer d'une autre manière .. elle doit se reconstruire petit-à petit ...elle a le droit de vivre comme tout le monde comme une femme de 32 ans , de profiter .....et j'espère qu'elle continuera à nous faire partager de bons moments par ses livres .. oui Tristane ...j'espère que l'écriture conservera sa placedans ta nouvelle vie ...bisous

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